Chers frères, chères sœurs,
Depuis que j’ai appris la mort du pape François, deux scènes de balcon m’habitent : la première remonte au soir de son élection, lorsqu’il s’est présenté à la foule rassemblée sur la place St-Pierre; la seconde, il y a deux jours, lorsque pour la dernière fois il a donné la bénédiction pascale « pour la ville et pour le monde ». Il me semble que ces deux moments, alpha et oméga de son pontificat, contiennent in nuce les douze années de son ministère comme successeur de Pierre.
Je revois clairement dans ma mémoire cette première scène. Je me retrouvais au Cap-de-la-Madeleine avec tous les évêques du Québec pour la réunion plénière du printemps. Ensemble, nous avons suivi les images saisissantes retransmises à la télévision : le vêtement dépouillé, le petit sourire gêné, l’inclination devant la foule qu’il avait invitée à prier pour lui… tous ces gestes révélaient un homme d’une grande simplicité, humble et fraternel, attentif aux gens ordinaires. Et son nom — François — nous disait déjà son attachement à Jésus, aux plus petits des siens, à la création.
Ses paroles évoquaient d’avance les thèmes majeurs de son pontificat : l’invitation à la fraternité, l’appel à l’évangélisation, la vision d’une Église plus synodale. La métaphore du pèlerinage qui animait ses propos ce soir-là se retrouve même dans le thème de l’année jubilaire en cours, « Pèlerins d’espérance ». En un discours improvisé d’à peine dix minutes, il a esquissé le tableau des douze années qui suivraient.
Dans son dernier discours, en évoquant la victoire du Christ sur les puissances de la mort, il encore une fois rappelé les nombreuses souffrances du monde et nous a conviés à ne pas oublier les victimes de catastrophes naturelles, de violence et de guerre. Il a renouvelé son appel à la fraternité universelle et à la paix. Il a fait résonner des paroles d’espérance :
« En ce jour, je voudrais que nous recommencions à espérer et à avoir confiance dans les autres, même dans ceux qui ne sont pas proches de nous ou qui viennent de pays lointains avec des usages, des modes de vie, des idées et des coutumes différents de ceux qui nous sont les plus familiers, car nous sommes tous enfants de Dieu ! Je voudrais que nous recommencions à espérer que la paix est possible ! »
Ses gestes, cette fois-ci, étaient ceux d’un homme très malade, mais toujours attentif aux autres : saluts de la main, bénédiction. Sa présence elle-même sur la place St-Pierre témoignait du don sans réserve qu’il avait fait de lui-même en acceptant d’être évêque de Rome. Il s’est vraiment donné jusqu’au bout.
Cet homme demeurera toujours pour moi une inspiration et un modèle. Il nous a laissé en héritage la vision d’une Église renouvelée, radicalement axée sur l’Évangile et engagée dans le monde. À nous de travailler à la réalisation de cette vision.
Avec vous tous et toutes, je pleure son départ tout en le confiant à la tendresse infinie du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Gardons en mémoire les derniers mots qu’il nous a légués, mots qui, à la lumière de son décès quelques heures plus tard, s’avèrent prophétiques :
« Dans la Pâques du Seigneur, la mort et la vie se sont affrontées dans un duel prodigieux, mais le Seigneur vit désormais pour toujours et nous donne la certitude que nous sommes nous aussi appelés à participer à la vie qui ne connaît pas de déclin, dans laquelle on n’entendra plus le fracas des armes ni les échos de la mort. Confions-nous à Lui qui seul peut faire toutes choses nouvelles ! Joyeuses Pâques à tous! »
Votre grand frère,
+Paul-André

