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Position des évêques du Québec à propos du projet de loi 11
2023-03-20

Position des évêques du Québec à propos du projet de loi 11

« NE ME REJETTE PAS MAINTENANT QUE J’AI VIEILLI ;
ALORS QUE DÉCLINE MA VIGUEUR, NE M’ABANDONNE PAS »

(Psaume 70,9)

Montréal, le 16 mars 2023 – Le projet de loi 11, Loi modifiant la Loi sur les soins de fin de vie et d’autres dispositions législatives, présenté le 16 février 2023 par Mme Sonia Bélanger, ministre déléguée à la Santé et aux Aînés, nous incite, comme citoyens du Québec et à titre d’évêques catholiques exerçant notre ministère dans toute la province, à prendre la parole aujourd’hui sur cette question de première importance.

Les soins de fin de vie sont un enjeu social, une préoccupation partagée par l’ensemble de notre collectivité, quelles que soient nos croyances personnelles sur le sens de la vie et de la mort. Alors que s’amorcent les consultations sur le projet de loi 11 en commission parlementaire, nous souhaitons communiquer les questionnements que nous portons face à la situation actuelle.

1. Quelle importance accorder aux soins palliatifs ?

Notre position sur les soins de fin de vie est bien connue. Avec un grand nombre de citoyennes et de citoyens, croyants comme non-croyants, nous avons la conviction que toute personne humaine possède une dignité inaliénable. Pour ce motif fondamental, nous appuyons avec force toute revendication ou mesure visant à accroître l’accès à des soins palliatifs de qualité, notamment à domicile, dans toutes les régions du Québec. L’accessibilité des soins palliatifs est essentielle pour accompagner les personnes à bien vivre les derniers moments de leur vie.

Dans un contexte démographique marqué par le vieillissement de la population, il est impératif que la société québécoise investisse toutes les ressources nécessaires pour que chaque personne puisse voir venir ses derniers jours sans craindre que la qualité et la nature des soins auxquelles elle aura accès dépendent de sa situation socioéconomique. En ce sens, nous recommandons de porter une attention toute particulière aux soins offerts aux personnes les plus vulnérables, appauvries et isolées. Ainsi, collectivement, nous rassurerons les personnes qui craindraient de devenir, avec l’âge et la maladie, un « fardeau » pour leurs proches et la société.

Il y a longtemps déjà, le Québec a choisi avec courage de se doter d’un système de santé public, universel et gratuit. Il en a fait une priorité. Nos aînés et tous nos concitoyens ont travaillé pour soutenir ce système toute leur vie durant et il est juste qu’il les soutienne en retour au moment de ce passage inévitable qu’est la mort. Les failles du réseau de la santé et des services sociaux doivent donc être réparées avec diligence.

Réaffirmons l’aspect public, universel, gratuit et prioritaire du système de santé pour ne pas mener nos contemporains à choisir une mort hâtive par crainte d’avoir à subir, faute de ressources, des conditions de vie (et de fin de vie) jugées dégradantes. Un tel choix n’est-il pas déterminé par des conditions externes à la personne, plutôt que de façon autonome ? Comment nous assurer que ce n’est pas ce type de « faux choix » qui se multiplie présentement au Québec ?

Dans cette perspective, l’inquiétude récemment exprimée par la Commission sur les soins de fin de vie quant à la « popularité » du recours à l’aide médicale à mourir, qui serait la cause de 7 % des décès au Québec, doit être prise très au sérieux et faire l’objet d’une enquête approfondie, y compris sur le plan sociologique. Rappelons aussi l’évidence : la légalité de l’aide médicale à mourir n’oblige pas à y recourir.

 

2. Pourquoi faut-il continuer à distinguer « soins palliatifs » et « aide médicale à mourir » ?

La même conception de la dignité inhérente à toute personne humaine fait aussi en sorte que nous ne pouvons accepter l’idée qui sous-tend l’ensemble du projet de loi 11, soit que « l’aide médicale à mourir est un soin ». Nous savons que notre position à ce sujet est pratiquement inaudible dans le contexte actuel. Nous sommes néanmoins d’avis qu’un geste provoquant intentionnellement la mort d’une personne élimine la possibilité même de lui apporter encore les soins requis en fin de vie et qu’en ce sens, ce geste n’est précisément pas un soin. À cet égard, les pays qui continuent d’appeler ce geste « euthanasie » ne font-ils pas preuve de plus de rigueur et de transparence ?

Que les élus et les intervenants les plus vocaux considèrent qu’il y a consensus sur la question ne signifie pas qu’il y a unanimité. Il reste donc essentiel que, pour des raisons de conscience, le personnel soignant puisse refuser, sans crainte de représailles, de participer à l’injection de substances visant à causer la mort d’une personne ayant demandé qu’on mette fin à ses jours.

Le projet de loi 11 (article 9) prévoit que les maisons de soins palliatifs ne puissent plus exclure l’aide médicale à mourir des soins qu’elles offrent. Cela aurait-il pour conséquence d’obliger une maison de soins palliatifs à trouver du nouveau personnel, advenant que toutes les personnes y étant employées aient choisi d’y travailler précisément en raison du caractère distinctif de l’approche palliative ? Pourquoi ne pas laisser chaque maison choisir les soins qu’elle offre, sachant que ces établissements ont déjà l’obligation d’informer toute personne admise au sujet des soins qu’elle pourra y recevoir ? À tout le moins, il faudrait reprendre la proposition du projet de loi antérieur, déposé au printemps 2022, qui prévoyait la possibilité que le ministre de la Santé autorise des exceptions pour certaines maisons de soins palliatifs. Dans ce cas, il faudrait également préciser les critères pouvant justifier une telle exception.

 

3. Quels sont les impacts de l’élargissement de l’accès à l’aide médicale à mourir ?

Sur la base de ces éléments de réflexion, deux autres dispositions du projet de loi 11 retiennent tout particulièrement notre attention : la possibilité de faire une demande anticipée d’aide médicale à mourir suite à la réception d’un diagnostic d’une maladie pouvant mener à l’inaptitude, d’une part, et la possibilité que des personnes atteintes d’un handicap neuromoteur grave et incurable puissent faire une demande d’aide médicale à mourir, d’autre part. Dans les deux cas, nous sommes sensibles aux souffrances des personnes concernées.

Au terme des travaux de la Commission spéciale sur l’évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie, en octobre 2021, nous avons écrit une lettre aux commissaires, dans laquelle était abordée la question de l’inclusion de l’euthanasie dans les directives médicales anticipées. Notre position demeure inchangée. Nous continuons de penser qu’il y a des limites à se « transposer » dans une situation hypothétique qui n’est pas encore la nôtre, et qui ne le sera peut-être jamais. Chaque personne vit l’instant présent à sa manière, dans la grâce du moment. Si nous envisageons aujourd’hui l’éventualité d’être aux prises avec une maladie comme l’Alzheimer, par exemple, nous allons réagir avec notre état d’esprit d’aujourd’hui. Nous ne pouvons toutefois pas savoir comment nous vivrons cette condition lorsque nous la vivrons, si nous avons effectivement à la vivre.

La possibilité que des personnes atteintes d’un handicap neuromoteur grave et incurable puissent demander qu’on mette fin à leurs jours nous semble découler de la redoutable logique d’élargissement progressif, mais constant de l’accès à l’euthanasie. Rappelons que ces personnes ont une dignité égale à celle de toutes les autres et que leur vulnérabilité accrue doit plutôt nous mener à être particulièrement vigilants et bienveillants quant à leur accès à des soins de qualité et à des mesures d’adaptation efficaces, dont des subventions permettant l’achat d’équipements spécialisés et le soutien de proches aidants. Autrement, nous risquons d’envoyer un message troublant à ces personnes, qui pourraient croire que leur vie ne vaut pas la peine d’être vécue.

Le fait que, récemment, des vétérans des Forces armées canadiennes se soient fait suggérer froidement de mettre fin à leurs jours montre bien que nous faisons face à une banalisation de l’euthanasie dans le discours ambiant. Dans ce contexte, nous invitons toutes les personnes et organisations qui se feront entendre sur le projet de loi 11 à bien mesurer l’impact que leurs propos peuvent avoir sur les personnes qui vivent présentement avec des symptômes qui, selon le Législateur, justifieraient une demande d’aide médicale à mourir. La banalisation est-elle destinée à s’amplifier toujours plus, malgré les rappels de la Commission sur les soins de fin de vie à l’effet que le recours à l’aide médicale à mourir devrait demeurer « exceptionnel » ? Ce recours n’est-il pas plutôt en train de devenir une nouvelle norme ?

La « pente glissante » souvent évoquée à propos de l’élargissement de la loi n’est pas une crainte exagérée ; c’est un phénomène observable, comme le démontre justement le dossier de l’aide médicale à mourir au Québec et ailleurs. Le fait que le critère de fin de vie ne soit plus une condition pour appliquer les dispositions de la Loi concernant les soins de fin de vie démontre bien que le cadre même de la réflexion se transforme radicalement. Ne faudrait-il pas changer l’intitulé de la loi ? Dans une perspective de soins palliatifs, dont l’approche globale est basée sur les soins de confort, on ne limite pas l’intervention aux derniers instants de vie. Cela pourrait être mis en valeur, notamment auprès du personnel soignant. Par ailleurs, nous recommandons de désigner la part de la loi qui porte sur l’aide médicale à mourir comme une loi sur l’euthanasie.

 

4. Comment discuter de notre rapport à la mort ?

À l’heure actuelle, le principal critère mis de l’avant par le Législateur pour favoriser l’élargissement de l’accès à l’aide médicale à mourir semble être l’évolution du consensus politique et médiatique, dont on avance qu’il reflète un consensus social et un consensus médical évolutifs. Ainsi, à propos de l’inclusion possible des troubles mentaux dans les diagnostics pouvant fonder une demande d’aide médicale à mourir, l’hésitation des élus, présentement, semble uniquement reposer sur l’inexistence « temporaire » d’un consensus jugé suffisant sur la question. Or, cette question revient néanmoins à l’ordre du jour de façon régulière, et avec de plus en plus d’insistance. Ce faisant, les craintes justifiées et exprimées dès le départ par plusieurs intervenants à propos des effets délétères de la légalisation de l’euthanasie sur les efforts de prévention du suicide ne seront-elles pas de plus en plus passées sous silence, malgré le fléau que représente le désir de mort dans notre société, notamment chez les jeunes de communautés vulnérables ?

Dans un contexte aussi singulier, nous sommes justifiés de nous interroger. Comment échapperons-nous à la logique de l’élargissement sans limites, sinon en revenant à une réflexion approfondie sur des principes fondamentaux comme la dignité inaltérable de toute personne humaine de sa naissance jusqu’à sa mort ?

Nous croyons qu’il est de notre responsabilité de prendre la parole, au nom de nos valeurs et de notre espérance, sur la question des soins de fin de vie, en rappelant sans cesse la dignité de toutes les personnes et la bienveillance accrue dont toute société doit faire preuve à l’endroit des personnes les plus vulnérables. Il ne faut pas hésiter à écouter les voix qui s’opposent à un projet de loi comme celui-ci, particulièrement lorsqu’une impression de consensus peut faire oublier les nombreuses nuances et les désaccords qui persistent sur des enjeux si vitaux.

 

+ Christian Rodembourg
Évêque de Saint-Hyacinthe
Président de l’Assemblée des évêques catholiques du Québec

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